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- Camp d'Auschwitz
AUSCHWITZ
JE CHANTE UN CHANT BIEN INUTILE
Ich singe ein zweckloses Lied
CHANT DE L’ENFANT QUI A DONNE A SA MERE
SON DERNIER BOUT DE PAIN
Das Lied vom Kind das der Mutter
sein letzes Brot geschenkt hat
je chante un chant bien inutile demandez-moi pourquoi je dis je ne sais pas dois-je taire ma voix
un chant pour un enfant de dix et de mille ans et qui à Auschwitz était encor en vie
son nom et d’où il vient je ne l’ai jamais vuni ne l’ai connu
je sais que sa mère était près des fils derrière au camp des femmes à la route du camp
c’est un de ces jours que tout est arrivé que l enfant a cru voir sa mère de l’autre côté.
ceux que la mort marque se ressemblent tous mais le fils remarque sa mère entre toutes
un jour, au matin, ce fut la sélection l’enfant devait mourir il le savait déjà
la droite, la gauche, droite, gauche, l’enfant montre sa main à la mort gantée La montre et s’en va
il restait à l’enfant quelques heures à vivre jusqu’à ce qu’il y ait de la place dans le four et dans les fosses
il a passé en silence les dernières heures accroupi par là et pensant à sa mère
il voulut lui écrire mais n’avait pas de papier ni encre, ni plume alors il lui a écrit
sur un morceau d’un sac de ciment qu’il avait enfilé pour sous-vêtement
pour l’encre il prit son sang et pour la plume à écrire un fil de fer barbelé
il écrivit chère mère je t’envoie quelque chose dont je n’ai plus besoin je dois aller au gaz
mère je te donne maintenant la main pour l’adieu ce soir je serai brûlé
le feu sera mon linceul la fumée ma tombe je dois mourir avant d’avoir vécu
tu m’as donné la vie ils me donnent la mort je te donne ce que j’ai un morceau de pain
18. mère aussi longtemps que tu seras en vie tu penseras à moi quand tu mangeras du pain
prends donc et mange ma ration de pain je t’embrasse, moi ton fils fidèle
il a écrit ainsi et par dessus la clôture il a jeté le pain et la lettre dans le camp des femmes
alors sont venus de grands camions qui ont emporté tout un avenir d’enfants
les enfants étaient chacun à sa détresse silencieux et calmes comme déjà morts
l’enfant fut très vite avec le chargement silencieux amené au crématoire pour être gazé
et dut entrer nu dans la chambre à gaz la porte fut fermée il a encore vu
comment pleuvaient sur tous des cristaux bleus tombant d’un trou dans le plafond
quand le jour s’acheva au repas du soir l’enfant était déj gazé et mort
quand le soleil fut bas dans le ciel l’enfant était brûlé et en cendres
quand vint la nuit au souffle frais l’enfant était déjà fumée dans le ciel
sur le sol la mère assise a mâché elle a mangé le pain en regardant là-haut
vers le ciel où noirs vont les nuages de fumée elle a cherché son enfant ne l’a pas vu
maintenant le pain est mangé les fours sont froids l’enfant qui avait dix ans a maintenant mille ans
rien n’est resté de lui sauf dans le vent où vole peut-être une poussière du bon enfant
mère et bourreaux sont morts depuis longtemps reste encore un temps chant de l’enfant et de son pain
reste toi reste du moins toi encore reste et laisse l’enfant mort vivre encore un peu de temps avant la vide éternité de la mort et de l’oubli
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1. Ich singe ein zweckloses Lied Wenn ihr mich fragt warum Sage ich ich weiß nicht Vielleicht blieb ich besser stumm
2. Mein Lied ist für ein Kind Das zehn und tausend Jahr Alt und in Auschwitz Noch am Leben war
3. Wie es hieß wo’s herkam Ich weiß es nicht Weiß nicht wie es aussah Es hat kein Gesicht
4. Ich weiß seine Mutter War hinter einem Zaun An der Lagerstraße Im Lager der Fraun
5. Und an manchen Tagen Ist es geschehn Daß das Kind geglaubt hat Die Mutter zu sehn
6. Die der Tod zeichnet Sehn alle gleich aus Doch das Kind fand die Mutter heraus
7. An einem Morgen War Selektion Das Kind mußte sterben Und wußte es schon
8. Rechts links rechts links Zeigte die Hand Zum Tod im Handschuh Zeigte und verschwand
9. Da blieben dem Kind noch Ein paar Stunden Leben Bis Platz war im Ofen Und in den Gräben
10. Die letzten Stunden Hat es still verbracht Dagehockt und an die Mutter gedacht
11. Es wollte ihr schreiben Hatte kein Papier Keine Tinte und Feder Da schrieb es ihr
12. Auf einem Stück von Einem Sack Zement Das hat es getragen Als Unterhemd Sein Blut und statt einer Schreibfeder Stacheldraht
14. Es schrieb liebe Mutter Ich schicke dir was Ich nicht mehr brauche Ich muß ins Gas
15. Mutter ich geb dir Jetzt meine Hand Zum Abschied abends Bin ich verbrannt
16. Feuer mein Totenhemd Rauch mein Grab Ich muß sterben eh Ich gelebt hab
17. Du gabst mir Leben Sie geben mir den Tod Ich geb dir was ich hab Ein Stück Brot
18. Mutter solang du Am Leben bist Sollst du an mich denken Wenn du Brot ißt
19. Also nimm an und iß Meine Brotration Ich umarm und küsse dich Dein treuer Sohn
20. So hat es geschrieben Und über den Zaun Brot und Brief geworfen Ins Lager der Fraun
21. Dann sind sie mit großen Lastern gekommen Und haben eine Zukunft Kinder mitgenommen
22.Die Kinder waren alle In ihrer Not So still so leise Als wärn sie schon tot
23. Das Kind wurde eilig Mit der stillen Fracht Ins Krematorium zum Vergasen gebracht
24. Es mußte nackt in Die Gaskammer gehen Die Tür wurde zugemacht Es hat noch gesehn
25. Wie auf alle Regen Von blauen Kristalln Aus einem Loch in Der Decke falln
26. Als der Tag zu Ende Ging im Abendrot Da war das Kind schon Vergast und tot
27. Als die Sonne Tief am Himmel stand Da war das Kind schon Zu Asche verbrannt
28. Als die Nacht kam Mit kühlem Hauch War das Kind schon Im Himmel Rauch
29. Die Mutter hat am Boden Gesessen und gekaut Sie hat das Brot gegessen Und dabei hochgeschaut
30 .Zum Himmel wo schwarze Rauchwolken gehen Sie hat ihr Kind gesucht Hat es nicht gesehn
31. Jetzt ist das Brot gegessen Die Öfen sind kalt Das Kind das zehn Jahr war Ist tausend Jahr alt
32. Nichts ist geblieben Von ihm bloß im Wind Fliegt vielleicht ein Staubkorn Vom guten Kind
33. Mutter und Mörder Sind lange tot Bleib du noch eine Zeit Lied Vom Kind und seinem Brot
34. Bleib du Bleib wenigstens du noch Bleib du und laß das tote Kind Noch leben eine kleine Zeit Vor der leeren Ewigkeit Des Tods und der Vergessenheit
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Texte Ich singe ein zweckloses Lied
Anonyme, lieu ? Auschwitz probablement
fr. : Yves Kéler, 27.2.2014 Bischwiller
Le texte
On ne sait pas qui l’a écrit. Est-ce un prisonnier rescapé ou un auteur qui a entendu les témoignages des survivants. Il connaît bien le fonctionnement du camp. Il sait que le camp des femmes est le long de la route du camp par laquelle passaient les convois vers les deux crématoire. Il sait comment se déroulaient les sélections en file indienne. Il sait que le Cyclon B tombe en paillettes bleues du plafond. Il sait que chambre à gaz et fours étaient fréquemment engorgés, malgré la rapide exécution de la tâche, qui a permis des records de 12.000 personnes tuées et brûlées en une seule journée.
Sur ce fond à la résonance authentique se déroule une scène poignante d’enfant gazé. Celui-ci est calme, comme les autres, sachant qu’il n’y a aucune échappatoire. Il a cette simplicité de l’enfant qui ne se raconte pas d’histoire pour espérer encore contre toute réalité. Comme les autres, il est seul avec sa douleur, mais l’affronte dignement, et consciemment jusque dans la chambre à gaz où son dernier spectacle est le miroitement des cristaux bleus..
Il ne reste rien de l’enfant, ni de sa mère, ni même des bourreaux. Le temps efface tout, les mémoires ont disparu. Seul le chant rend une existence et une présence aux disparus. De là l’invocation au chant de rester encore un peu, pour prolonger ce qui se peut.
« Ich singe ein zweckloses Lied – Je chante un chant sans utilité » : c’est la pensée juive. Le plus tragique atteint à l’inutile, car on ne sait pas quoi en faire. Et à quoi bon en parler : « Vielleicht blieb ich besser stumm – Peut-être ferais mieux de me taire. » Qu’est-ce que cela changera ? L’enfant est mort, comme tant d’autres, il ne reviendra plus. A nous de poursuivre. Mais si le chant ne s’écrit pas, s’il n’est pas chanté, l’enfant est mort pour rien, puisqu’on n’en saura rien. Alors il faut composer le chant et le chanter, pour que l’enfant vive dans notre mémoire et que nous relevions le défi. C’est la réponse qu’à la fin l’auteur donne à sa question du début.
La rédaction du chant soulève une question. J’en ai trouvé deux formes. Une au texte continu sans alinéa et sans ponctuation, formant une colonne aux vers courts, se lisant continûment sans respiration marquée. C’est peut-être la forme originale. Car la deuxième forme, qui divise en strophes de 4 vers, coupe manifestement certaines phrases au mauvais endroit. J’ai donc pensé combiner les deux formes, en gardant la numérotation pour plus de clarté, mais en laissant le texte sans ponctuation et en minuscules, pour conserver l’impression de texte continu d’un seul mouvement.