2005. 00 : dimanche de la TRINITE

La sainte Trinité

Dimanche 22 mai 2005

Esaïe 6, 1-13

(Série de Prédication III (Predigtreihe III) : nouveaux évangiles)

Note du rédacteur : comment lire ce texte ? Quels sont nos a priori théologiques ? Qui est Dieu pour nous qui avons à prêcher sur ce texte ? Dieu peut y être vu comme le Dieu tout-puissant qui en est réduit à user de menaces pour faire changer les hommes. Dieu peut aussi y être vu comme le Dieu d’amour et de vie qui souffre de voir les hommes foncer droit dans le mur et ne peut que pousser un cri d’impuissance et d’amour blessé. Il y a sans doute encore d’autres approches possibles de ce texte. Cette prédication propose délibérément une lecture de ce texte, en fonction des a priori du rédacteur. A l’utilisateur de cette prédication de se situer à son tour.

I

Comment voulez-vous parler aux gens de l’amour de Dieu avec un texte pareil ? Ce n’est pas possible ! Il y a des jours où l’action de Dieu est décidément incompréhensible pour les humains que nous sommes. La mission confiée à Esaïe est terrible : il doit, littéralement, annoncer le message de Dieu tout en empêchant les gens  de comprendre l’avertissement, de se repentir, de revenir à Dieu et d’être sauvés ! C’est abominable ! Les conséquences de la mission d’Esaïe sont encore plus terribles : guerre, invasion du pays, villes dévastées, morts en grand nombre et déportation en masse. Comme si Dieu préférait un pays vide à un pays peuplé, fût-ce de pécheurs. Pourquoi cette intransigeance ? Est-ce là le Dieu « lent à la colère et riche en bonté » célébré tout au long du Premier Testament ? N’est-ce pas aussi la négation même de l’Evangile ?

Dieu a-t-il vraiment pu dire de pareilles choses ? Comment le prophète Esaïe a-t-il pu accepter une telle mission ? A ces deux grosses questions s’en rajoute une troisième, pas moins énorme : comment Jésus a-t-il pu faire allusion à ces paroles terribles de Dieu pour justifier le caractère énigmatique des paraboles qu’il racontait ? (Marc 4, 10-12 ; Matthieu 13, 10-17 ; Luc 8, 9-10)

II

Dieu a-t-il vraiment pu dire des choses pareilles ? Pour Esaïe il est clair que Dieu agit ainsi par haine du mal et non par caprice tyrannique. Mais, même si c’est pour combattre le mal, ce Dieu intransigeant effraie et choque profondément. Car la question serait alors : où, pourquoi, quand, à partir de quel degré de faute, à partir de quelle quantité de mal, Dieu renonce-t-il à sa miséricorde et à son pardon ? Esaïe, comme les prophètes Osée et Amos, lutte contre « l’habitude de la miséricorde » prise en Israël : « Dieu est donc là pour pardonner ! » se disait-on. A quoi Esaïe répond  que le moment est venu où la repentance n’est plus possible, où le pardon même de Dieu n’est plus possible, où Dieu endurcit. Si Dieu endurcit, va-t-il alors jusqu’à « prédestiner » des êtres humains à la perdition, sans grâce possible ? Qu’en serait-il alors de la liberté qui est le propre de l’être humain : liberté de choisir, de décider de nos actes, quitte à nous tromper ? Et pourquoi Dieu aurait-il alors choisi de créer l’homme comme partenaire pour gérer le monde créé ?

Esaïe ne se demande pas si Dieu peut ou veut aller aussi loin dans sa colère. Son combat est de s’attaquer dans le cœur et l’esprit de ses concitoyens à l’assurance que Dieu ne sera jamais à bout de sa patience, qu’il attend toujours la repentance et que le mal peut donc abonder, puisque sa miséricorde surabonde toujours. Contre cela Esaïe affirme : quand le mal a abondé, quand trop c’est trop, il peut tout à coup être trop tard. Trop tard pour se ressaisir, trop tard pour faire demi tour. Est-ce la volonté divine d’en arriver là ? La liberté humaine ne suffit-elle pas pour courir tout droit à la catastrophe en oubliant les paroles divines qui mèneraient à la vie ?

Que reste-t-il à Dieu à la vue de son peuple creusant lui-même sa propre tombe, sinon de pousser un terrible cri d’indignation et de douleur ? « Et bien, va donc, et dis-leur de continuer de la sorte, et ils verront où tout cela finira ! » – Notre logique humaine ne cède-t-elle pas quand la douleur ou la colère nous emportent au point que nos paroles dépassent notre pensée ? Quand des parents, au comble du désespoir, exhortent leur fils dévoyé à s’adonner plus encore qu’avant à l’alcool, la drogue ou la débauche, et à faire mourir de chagrin ses parents encore plus vite, est-ce leur souhait qu’ils expriment ou leur douleur éperdue qu’ils hurlent ? Esaïe a passé toute sa vie de prophète à prêcher pour que le peuple d’Israël se reprenne et soit sauvé. Tous ses écrits en témoignent. N’est-ce pas là la preuve qu’il a entendu cette terrible parole de son Dieu comme un cri d’amour blessé et non comme une sentence impitoyable ?

III

 Oui, il nous faut entendre ce texte comme un cri, un cri d’amour désespéré. Au long des siècles, en Israël comme dans l’Eglise, ce cri a constamment retenti sous une forme ou sous une autre. Il naît spontanément lorsque le prophète de Dieu se trouve en présence d’une incrédulité si énorme, si contre toute logique, que, dans l’élan de son indignation, il lui cherche une origine ailleurs que dans le cœur de l’homme, quitte à en faire porter la responsabilité à Dieu ou au diable. Pourtant, pas plus que le parent qui dit à son enfant « je ne veux plus de toi, je te renie », le prophète de Dieu ne donne ainsi une explication ni ne formule une condamnation : il ne peut que pousser un grand cri, à la fois cri de colère, d’effroi et d’impuissance !

Que pourrait-il faire d’autre ? Implorer le « Dieu tout-puissant » d’imposer son salut à des hommes qui n’en veulent pas ? Si Dieu pouvait nous « obliger » à nous laisser sauver, nous ne serions que des marionnettes dont lui, Dieu, tirerait les ficelles. Et du coup lui, Dieu, il ne serait pas un Dieu de la vie, un Dieu qui crée et donne sens, mais un Dieu « grand magicien ». Le prophète de Dieu devrait-il plutôt  menacer les hommes du châtiment divin « Repentez-vous, ou il sera trop tard ! » ? Ce refrain est connu : depuis la nuit des temps jusqu’à aujourd’hui toutes les religions en ont usé et abusé… et le monde des hommes reste ce qu’il est. C’est le fruit de notre liberté d’homme, c’est aussi le drame de notre liberté d’homme.  

Le salut ne s’impose pas, jamais. Mais quand nous avons le sentiment que le salut pourrait être refusé « pour de vrai » comme si Dieu nous en privait, et  qu’il n’y a plus de sursis apparent, nous sommes pleins d’effroi face à une énigme et un scandale qui nous dépassent totalement. Dans le vide béant, laissé par le salut «absent, perdu, oublié, refusé » s’engouffre la mort. Du temps d’Esaïe : la destruction des royaumes d’Israël et de Juda, catastrophe logique et pourtant scandaleuse, énigme dont les textes des prophètes ont osé garder la mémoire et tenter l’explication. Et par la suite, l’histoire de Jésus, porteur de la Bonne Nouvelle du Dieu d’amour, mais crucifié comme malfaiteur et blasphémateur, c’est aussi le scandale du salut refusable et refusé. Face à cela, Jésus exprime sa douleur en « se lamentant sur Jérusalem qui tue ses prophètes » (Luc 13, 34-35). Par la suite, ses disciples ont repris les paroles des prophètes pour mettre en mots ce qu’ils avaient ressenti face à l’énigme de l’échec apparent de Jésus et de sa Passion.

Quand il est trop tard, que dire, que faire ? Quand il est trop tard, il est encore possible de le dire : même si ça n’est pas utile, même si ça ne pourra pas susciter de changement puisque la fin est apparemment là. Le dire n’apporte ni consolation ni protection : Esaïe a partagé le sort tragique de son peuple et Jésus a été crucifié. Dire la vérité sur ce qui arrive est la seule chose qui reste à faire, parce que c’est, justement, la vérité de l’amour fou de Dieu qui ne renonce jamais. Dans le climat d’angoisse qui est le nôtre aujourd’hui, l’espérance et la fidélité étouffent, écrasées sous l’impuissance  face à tout ce qui menace la vie et le monde. Et pourtant, Dieu appelle : « Qui enverrai-je ? » Et si nous répondions : « Moi ! » ? Non parce que ce n’est peut-être pas encore « vraiment trop tard », mais  parce que la vérité de l’amour de Dieu a besoin de nous. A Esaïe Dieu a parlé de renouveau, par delà la catastrophe (v.13). Au matin de Pâques Dieu a ressuscité Jésus et à Pentecôte il a suscité le témoignage des apôtres. Comme Esaïe, Jésus et les apôtres, nous voici appelés à être témoins et acteurs de l’amour de Dieu en-dehors de tout compte à rebours. Osons crier : « Je crois que pour Dieu il ne sera jamais trop tard ! »  Amen.   

                        Marc WEISS
                        Pasteur au CHU de Strasbourg-Hautepierre

Les autres textes du jour.
Ps.145 : Louange à Dieu pour sa bonté et sa miséricorde.
Ps.99 : Proclamation de la sainteté de Dieu.
Romains 11, 33-36 : Proclamation de la grandeur de Dieu.
Jean 3, 1-8 (9-15) : Jésus et Nicodème,  l’incompréhension de l’action de Dieu.

Propositions de chants.
ARC 253 = NCTC 256 : « Célébrons Dieu notre Père… (en entrée) ;
ARC 249 = NCTC 260 : « Béni soit le Seigneur… » (après les lectures) ;
ARC 261 = NCTC 254 : « Gloire à ton nom… » (après la prédication) ;
ARC 507 = NCTC 216 : « Saint-Esprit Dieu de lumière… » (en sortie).

PREDICATIONS DU SERVICE DES LECTEURS DE L’UEPAL

Ces prédications sont fournies par le Service des Lecteurs de l’UEPAL.

Ce service a été dirigé par le pasteur Georges HUFFSCHMITT de Wingen-sur-Moder
puis 67290 VOLKSBERG (tél O3.88.01.55.41, courriel: g.hufschmitt@wanadoo.fr),
jusqu’en 2009.

A partir de cette année 2010, Mme Esther LENZ, de 67360 MORSBRONN-LES-BAINS
(tél: 03.88.90.07.02, courriel: esther.lenz@wanadoo.fr) reprend la direction.

Le Secrétariat est assuré par Madame Suzanne LOEFFLER,
au Secrétariat de la Paroisse de 67340 INGWILLER
(tél: 03.88.89.41.54, courriel : Suzanne.Loeffler@orange.fr).